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La dérive d'une société menée par un état-assassin fut particulièrement bien exposée par Hannah Arendt, bien que mal comprise et critiquée à son époque (et encore aujourd'hui mais je n'entre pas dans les polémiques concernant les institutions Juives sous le 3e Reich et sa vie privée) lorsqu'elle décrit Adolph Eichmann comme un fonctionnaire de la mort, impersonnel, froid comme un marbre, méticuleux et avide de reconnaissance par sa hiérarchie plutôt qu'un idéologue sanguinaire motivé par la haine. Une érosion progressive des valeurs d'humanité héritées d'une interprétation généreuse du christianisme et du siècle des Lumière qui donnera une légion de subalternes petits et grands, impliqués dans la plus grande entreprise meurtrière de tous les temps, décomplexés et déresponsabilisés. La propagande menée par Joseph Goebbels donna des résultats au delà de toutes espérance, transformant petit à petit des honnêtes gens, pères de famille, ouvriers, fonctionnaires en complices du gigantesque génocide unique en son genre, toujours présent aujourd'hui dans les esprits. Il s'agissait d'une entreprise dirigée qui n'a évidemment pas d'équivalent aujourd'hui dans les société occidentales. Néanmoins je crois qu' il existe aussi à notre époque une autre version de la banalisation du Mal. Une tendance décentralisée, diffuse qui se propage un peu partout dans les média, dans les jeux où la violence graphique est devenue normale et coutumière. Une désensibilisation de l'horreur à force d'habitude, d'images réelles ou factices. J'entends encore le commentaire suivant: "Que diront les gens hein, quand ils entendront ces témoignages et verront ces images insoutenables au journal télévisé? Réponse: Ils diront "c'est horrible, passe moi le plat de gratin". Les armées modernes pratiquent également la désensibilisation, le meurtre aseptisé, anonyme, en frappant à distance en toute  sécurité  et  confortablement installés à leurs pupitres, des cibles lointaines à coup de bombes guidées et de drones. Même Obama (dont mon appréciation comme "bon garçon" peut être sujette à débat) a utilisé ces méthodes sans retenue sur la Somalie entre autre. La guerre moderne ou "tuer est maintenant à la portée de tous, même des personnes à mobilité réduite"... Un ado de 14 ans a déja vu trois mille morts, réels ou fictifs. Un certain nombre de jeunes gens (et de moins jeunes) ont du mal a discerner le réel du fictif. A mon avis (mais je ne suis pas un expert dans ce domaine) les garçons qui ont commis les tueries dans les écoles américaines et ailleurs sont des produits de cette consommation de violence environnante et omniprésente. Animés par un esprit de vengeance et de colère, ils ne sont plus dans l'imaginaire du jeux vidéo  mais ils ne sont pas non plus totalement dans le réel. S'ils avaient l'entière perception des conséquences de leur geste, pour les victimes et aussi pour eux même, il ne seraient peut être pas capables de passer à l'acte. La disponibilité des armes à feu facilite certainement le processus mais je continue de penser qu'elle n'en est pas la cause. Une telle prolifération de jeux vidéo où des scènes de guerres d'une violence rare couplées d'une étonnante qualité graphique est aujourd'hui perçue comme normale. Combien d'adolescents acnéides et timides livrés à eux même par des parents démissionnaires peuvent impunément tuer des ennemis du  matin jusque tard dans la nuit, les voir incinérés, éviscérés par une rafale de gros calibre ou zapés entièrement du décor par une énorme explosion d'un clic de console... Certains penseront que ces passe-temps vulgaires et bruyants n'ont pas d'autres effets que de me scier les nerfs et de perdre un temps précieux qui pourrait être utilisé pour la lecture, le jeu d'échec ou autre activité plus formatrices pour des jeunes cerveaux... Le temps passé à jouer même à des jeux plus innocents sur les smartphones occupe le temps et occulte la pensée. Je crois personnellement que tout cela est malsain, que si on ne peut pas s'amuser autrement qu'en tuant même virtuellement son prochain, il y a un problème quelque part. Quels messages sont-ils véhiculées par les jeux violents? Que rien ne sert de dialoguer quand on peut tout régler rapidement avec un lance flammes?  Qu'il est formidablement gratifiant d'être aux commandes d'une arme de destruction massive? Qu'un type qui  porte le mauvais uniforme cesse d'être humain? Je ne suis pas psychiatre ni sociologue, mais ce qui me défrise c'est que ces questions ne sont JAMAIS abordées. On parle des armes dans la société civile mais jamais de la culture de violence ordinaire qui envahit jusque sur les terrains de football, jamais non plus de la "masculinité destructive", de l'obsession du pouvoir à tous les niveaux, de la domination qui commence dès la cour de récréation. Les valeurs de protection et de coopération qui sont des valeurs "féminines" ne sont jamais enseignées aux garçons, seule la compétition compte et les filles s'y mettent dorénavant aussi.  L'enseignement de la morale a entièrement disparu des écoles. L'instruction civique et l'Histoire sont bâclées. En échange nous avons dès 20h tous les soirs,  rendez-vous avec tous les déchainements de violence de la planète, les guerres mais aussi les faits divers les plus troublants souvent dans nos pays démocratiques où règne normalement la paix.  Le Mal en fond d'écran à l'heure de l'apéro... On n'élève plus vraiment les enfants depuis Mai 68.  Interdit d'interdire, jouir sans entraves, ces slogans étrangement séduisant à l'époque, se sont avérés à l'usage plutôt destructifs. Voler un paquet de pop-corns dans une supérette était vu comme un acte grave, honteux et puni. L'élément de honte étant le plus pénible et le plus éducatif. Aujourd'hui les enfants brûlent des voitures ou volent des autobus dans un dépôt provoquant des accidents et des factures à un demi-million d'Euros. Que dire des très jeunes qui tuent leur petit frère à coup de couteau? Les rackets systématiques à la sortie des école, les viols collectifs, la drogue partout, les femmes qui ne peuvent plus sortir seules à Paris après 8 h du soir. Les insultes sur les forums d'Internet à la moindre divergence d'opinion. Les bousculades dans les transports. Depuis quand le Foot est il devenu un "sport de contact"? Je n'ai jamais connu ça dans ma jeunesse à Boulogne Billancourt. Ca n'existait pas. La violence était presque toujours le fait de malfrats identifiés comme tels, elle était ciblée et accompagnée d'un mobile si crapuleux soit-il mais reconnaissable. Cette compartimentation de la délinquance rendait le reste de la société suffisamment sûr et ordonné. On déculpabilise les jeunes voyous, on déculpabilise les criminels sexuels comme malades... Contrairement à ce que disent ses détracteurs, Hannah Arendt n'a jamais déculpabilisé  Eichmann et ses acolytes, tout être lucide reste conscient et responsable des conséquences de ses actes.  Arendt fut controversée sinon détestée parce qu'elle accouchait d'une vérité terrible: Le Mal absolu n'est plus l'exclusivité de monstres mais le plus souvent commis par des gens "normaux". Une réalité horriblement inconfortable que tout être humain doit intégrer bon gré, mal gré et peu y parviennent.  Tout est affaire de conditionnement social et d'éducation. Egalement, la pensée orthodoxe dominante interdit aujourd'hui de questionner les valeurs d'une culture étrangère ou importée via l'immigration et encore moins d'en contester les aspects incompatibles avec les canons d'humanité qui sont le fondement de nos démocraties. Même s'il s'agit de la valeur attribuée à la paix et à la vie. Même si éventuellement notre sécurité en dépend. Je pense pour conclure que nos sociétés modernes laxistes, relativistes, pluralistes, "multi-culturelles" et mercantiles n'ont plus la mission ni les moyens d'inculquer à TOUS les valeurs prioritaires et incontournables de respect et de sacralisation de la vie humaine. 

Frogmobile 19 avril 2018

Mon grain de sel: Opinions et commentaires politiquement incorrects

Vers une nouvelle banalité du Mal

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